écrit par: Nicole Osinga, RD
En tant que nutritionniste agréée ayant un bureau de consultation très fréquenté, je travaille principalement avec des patients qui souhaitent soit perdre du poids ou modifier leur constitution corporelle, soit prendre en charge une maladie cardiovasculaire ou réduire le risque d’en développer une.
L’un des conseils que je leur donne souvent est de tenir compte du type de graisses qu’ils consomment, surtout s’ils consultent pour un risque ou la prise en charge de maladies cardiovasculaires. Je leur recommande presque toujours de limiter leur apport en graisses saturées tout en augmentant leur consommation de graisses insaturées et en évitant les gras trans.
Mais devant la popularité croissante des régimes à haute teneur en lipides comme le régime cétogène, beaucoup remettent en question ce conseil, à l’instar de certains experts.
Penchons-nous sur les plus récentes études concernant les effets des graisses saturées sur la santé du cœur et demandons-nous s’il y a lieu de revoir nos directives.
État de la recherche
En 20161, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a mené un examen systématique afin d’évaluer l’incidence des graisses saturées sur la lipidémie. Les chercheurs ont analysé les données de plus de 2 300 adultes ayant remplacé 1 % de leur apport calorique provenant de glucides ou de graisses insaturées par 1 % provenant de graisses saturées. Ils ont constaté que la consommation de graisses saturées en remplacement de graisses insaturées ou de glucides augmentait systématiquement la concentration de lipides et de lipoprotéines dans le sang.
Par contre, un petit nombre d’études ont affirmé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour conclure que les graisses saturées augmentent le risque de maladies du cœur2. Selon ces études, il faut recueillir davantage de données pour établir l’influence des nutriments consommés en remplacement des graisses saturées sur le risque de maladies cardiovasculaires.
Or, des recherches ultérieures ont démontré qu’en troquant les graisses saturées contre des graisses polyinsaturées, des graisses mono-insaturées ou des glucides riches en fibres, on obtient de meilleurs résultats cliniques en ce qui concerne les maladies du cœur, soit moins de crises cardiaques et un risque moindre de décéder d’un accident cardiovasculaire3. Ces travaux indiquent toutefois que le fait de remplacer les graisses saturées par des glucides ultra-transformés peut nuire à la santé du cœur. En effet, selon une étude publiée en 2017, le risque de crise cardiaque grimpe lorsqu’on substitue du sucre et des glucides raffinés aux graisses saturées3. Finalement, l’OMS recommande toujours de limiter sa consommation de graisses saturées à un maximum de 10 % de l’apport calorique total quotidien et, pour ce faire, de les remplacer par des graisses insaturées dans le cadre d’une alimentation saine et équilibrée4,5.
Ce que vous pouvez faire pour la santé du cœur de vos patients
La recherche ayant confirmé les bienfaits de la réduction des graisses saturées sur la santé du cœur, voici quelques éléments à prendre en considération dans votre travail :
Petits vs grands changements
- Pour avoir un cœur en santé, il est tout aussi important de réduire sa consommation d’aliments riches en graisses saturées que d’intégrer des aliments bons pour le cœur comme les protéines végétales et les bons gras.
- Dans l’ensemble, je constate qu’en matière d’alimentation, les petits changements réussissent mieux à la plupart des gens. Ceux qui modifient leurs habitudes alimentaires du tout au tout ont plus de difficulté à conserver leurs bonnes résolutions à long terme. Un petit changement peut consister par exemple à remplacer le beurre par de la margarine molle riche en graisses insaturées.
- Intégrer des aliments à base de plantes à son alimentation est une solution bonne pour le cœur en accord avec le Guide alimentaire canadien.
- Pour aider vos patients à faire ce premier pas, remettez-leur des ressources utiles comme ce document !
Mettre l’accent sur les aliments vs les nutriments
- Nous devrions peut-être songer à revoir notre discours pour passer d’un vocabulaire axé sur les nutriments à un vocabulaire axé sur les aliments. À force de nous concentrer sur les nutriments indépendamment des choix alimentaires, nous risquons de négliger les interactions plus cruciales qui existent entre les aliments, les habitudes alimentaires, la santé et le mode de vie.
- Nous pouvons aider nos patients à mieux comprendre les conséquences de leurs choix alimentaires en effectuant un rapprochement entre certains régimes végétaux issus de différentes cultures et la santé du cœur. Par exemple, les bienfaits du régime méditerranéen sur la santé du cœur ne sont plus à prouver. Et c’est précisément ce type de conclusions qu’il nous faut transmettre à nos patients6.
Réalité quotidienne vs évolution de la recherche dans le domaine de la nutrition
- En matière de découvertes issues de la recherche dans le domaine de la nutrition, on a souvent l’impression qu’on dit blanc un jour et noir le lendemain. Il y a de quoi susciter la frustration des patients. L’expérience m’a appris qu’il est bon de leur expliquer pourquoi la recherche sur la nutrition est si complexe : il faut tenir compte d’une multitude de facteurs liés à l’alimentation, à la santé et aux habitudes de vie ; les données font l’objet d’une déclaration volontaire ; nous examinons des indicateurs prévisionnels de maladies, et pas toujours les résultats ; la science alimentaire et l’influence des aliments évoluent sans cesse. Si les manchettes ne font pas toujours état de ces facteurs, vous pouvez en glisser un mot à vos patients pour leur apporter un point de vue éclairant.
En somme, il est scientifiquement prouvé qu’il est bon de réduire sa consommation d’aliments contenant des graisses saturées tout en intégrant des aliments riches en protéines végétales et en bons gras.
J’espère que ces quelques conseils et cette ressource à télécharger vous seront utiles dans votre travail !